Où vont les négociations climatiques internationales ? (Rapport - Novembre 2012)
En marge du colloque « Où vont les négociations climatiques internationales », le Centre d’analyse stratégique publie trois notes d’analyse dans un mini-rapport. Les notes s’appuient sur les principaux enseignements de deux études réalisées pour le CAS, portant sur la perception internationale du discours scientifique et sur l’évolution des négociations climatiques internationales.
Depuis l’adoption de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) en 1992, l’écart se creuse entre la progression des négociations destinées à parvenir à un accord international organisant la lutte contre les bouleversements climatiques et celle du phénomène lui-même. Les rapports successifs du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), qui ont mis en lumière la responsabilité humaine en la matière, ont également souligné les risques de catastrophes irréversibles et la nécessité d’intervenir rapidement pour limiter la hausse de la température moyenne mondiale. Les États signataires de la Convention se sont entendus en 2010 sur l’élaboration d’un accord basé sur des engagements volontaires des pays en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Mais, à l’heure actuelle, les promesses des États ne suffisent pas à éloigner la perspective d’un réchauffement global lourd de conséquences. Un rehaussement des objectifs de réduction de l’ensemble des pays est donc nécessaire.
En juin dernier, la conférence « Rio+20 », organisée vingt ans après le Sommet de la Terre, a cependant montré que les pays en développement (PED) et les pays émergents considéraient la lutte contre la pauvreté comme une priorité absolue et un préalable indispensable au développement durable : l’article deux de la déclaration adoptée à l’issue du sommet l’énonce clairement.
C’est pourquoi un accord mondial qui permettra de lutter efficacement contre le changement climatique devra comprendre des objectifs de réduction d’émissions ambitieux, mais il ne pourra s’en tenir là : il devra également prendre en compte la lutte contre la pauvreté, et mettre en oeuvre les transferts financiers et technologiques prévus à Cancun en 2010 ainsi que des mesures d’aide à l’adaptation au changement climatique afin de répondre aux demandes des pays en développement. Le bilan du sommet de Rio et ses enseignements pour les futurs accords mondiaux en faveur du développement durable sont l’objet d’une première note d’analyse, correspondant au premier chapitre de ce rapport.
L’autre défi est sans doute de convaincre les opinions publiques des pays « clés » des négociations pour que leurs gouvernements respectifs s’investissent plus efficacement dans la lutte contre le changement climatique. Les enquêtes réalisées témoignent cependant d’une diminution du sentiment d’urgence des populations vis-à-vis des risques climatiques ainsi que du développement du « climatoscepticisme », consécutifs à l’échec des négociations onusiennes qui s’est particulièrement manifesté lors de la conférence de Copenhague, en 2009, et à la médiatisation de controverses scientifiques. Le cas des États-Unis, où le doute sur l’origine humaine du dérèglement climatique est devenu un marqueur d’appartenance politique, est à cet égard révélateur. La deuxième note d’analyse, objet du deuxième chapitre de ce rapport, analyse les indices de la perception du discours des scientifiques sur le climat dans les pays émergents, en France et aux États-Unis, et propose des solutions pour mieux lutter contre le « climatoscepticisme ».
L’Union européenne, en avance dans le domaine de la lutte contre le changement climatique, n’a jusqu’ici pas réussi à entraîner les négociations vers un accord ambitieux, rassemblant les émetteurs les plus importants. L’année dernière, lors de la conférence de Durban, elle est cependant parvenue à se rapprocher des pays en développement et a ainsi réussi à inscrire à l’agenda la perspective d’un nouvel accord mondial en 2015, qui serait mis en œuvre en 2020 au plus tard. Les PED, premières victimes des conséquences du changement climatique, peuvent manifestement faire pencher la balance dans les négociations. La troisième note d’analyse, reprise dans le dernier chapitre du rapport, revient donc sur les transformations géopolitiques qui ont marqué les négociations, sur le rôle de l’Union dans la gouvernance climatique mondiale, et sur la nouvelle stratégie qu’elle pourrait adopter pour les faire progresser.
Le président français a proposé d’accueillir à Paris en 2015 la conférence qui pourrait concrétiser la signature du nouvel accord. Il importe à présent que l’Europe transforme l’essai marqué à Durban en trouvant, par une diplomatie ambitieuse, les voies d’un compromis satisfaisant avec les principaux émetteurs de gaz à effet de serre, mais aussi avec les pays les plus vulnérables aux risques climatiques.
Les trois chapitres de ce rapport ont été écrits par Dominique Auverlot et Blandine Barreau du département développement durable, en collaboration avec Olivia Franck pour le premier. Les deux derniers s’appuient sur les principaux enseignements de deux études réalisées à l’issue d’appel d’offres pour le Centre d’analyse stratégique :
– la première par la société Nomadéis, en partenariat avec K-Minos et Semiocast : « Perception internationale du discours scientifique sur la menace climatique par le grand public dans six pays : Afrique du Sud, Brésil, Chine, États-Unis, France, Inde » ; dont les auteurs sont Cédric Baecher, Nicolas Dutreix, Romain Ioualalen pour Nomadéis, Paul Guyot et Jean Charles Campagne pour Semiocast, Etienne Collomb pour l’Agence K-Minos ;
– la seconde, intitulée : « De Rio 1992 à Rio 2012, vingt années de négociations climatiques : quel bilan ? Quel rôle pour l’Europe ? Quels futurs ? » par Amy Dahan, directrice de recherche émérite au CNRS, centre Alexandre-Koyré, EHESS, et par Stefan C. Aykut, actuellement en Post-doc au laboratoire Techniques, Territoires et Sociétés (LATTS), Institut Francilien Recherche Innovation Société (IFRIS).
- Mots clés : climat, environnement, Europe, négociations, Durban, Doha, GIEC, RIO+20